Décryptage avec Julien Gaultier, Responsable Technique Nutrition Ruminants Terrena
Alors que le prix du lait est dans une période de baisse, les producteurs s'interrogent sur la meilleure stratégie à suivre pour maintenir le niveau d'EBE de l'exploitation.
De manière instinctive, les éleveurs ont tendance à réduire leurs coûts, notamment sur le poste alimentaire pour échapper à la pression économique. Ainsi, les complémentations individuelles et les accompagnements énergétiques se retrouvent souvent réduits voir supprimés.
Cependant, cette approche est seulement une solution de courte durée et pourra être préjudiciable pour la pérennité de l’entreprise.
Réduction du poste alimentaire = diminution des charges variables mais pas des charges fixes
En diminuant les charges opérationnelles, la réduction d’achats d’aliments peut momentanément aider à atténuer la pression financière en redonnant un peu de souffle à la trésorerie mais le bénéfice est de courte durée.
Julien Gaultier, Responsable Technique Nutrition Ruminants chez Terrena, conseille aux éleveurs d’adopter une approche prudente :« Dans un premier temps, la réduction d’aliments en quantité ou en qualité aura peu d’impacts sur le volume de lait produit car les démarrages en lactation sont déjà lancés et assurent le volume de lait de masse du troupeau. Après quelques mois, ces vaches vont avancer dans leurs courbes de lactation, ralentir en production et ne compenseront plus les moins bons démarrages du reste du troupeau. »
Pour beaucoup d'éleveur, les charges fixes de structures représentent plus de la moitié des coûts de production et sont difficilement compressibles. Chercher à diminuer les concentrés conduit inévitablement à baisser le niveau de production, or le premier « amortisseur des charges fixes » c’est bien le volume de lait vendu.
Réduire les apports énergétiques dégrade la reproduction du troupeau
"Un déficit énergétique prononcé lors du démarrage en lactation, altère l’activité des ovaires et la production des hormones impliquées dans la reproduction." rappelle Julien Gautier.
Un délai important avant que les vaches ne retrouvent de meilleurs rendements laitiers
La dégradation de la fertilité, du stade de lactation et de la capacité de la flore microbienne à produire de la matière utile affectent le potentiel de production de la vache à long terme.
« Même quand on rétablit le programme alimentaire initiale, la vache n’est plus en capacité de retrouver immédiatement son niveau de production » ajoute Julien Gaultier.
Evitez de rentrer dans un cercle vicieux avec un décalage entre le prix de lait et le niveau de production
Pour éviter de basculer dans un cercle vicieux, il faut gérer un troupeau vêlant toute l'année avec un tiers de vaches entre 0 et 100 jours de lactation. « Ce sont ces vaches qui seront capables de réagir rapidement aux augmentations des dépenses alimentaires en produisant plus de matière utile et donc davantage de marge sur coût alimentaire quand le prix du lait sera à nouveau à la hausse » conclu Julien Gaultier.
Quel constat pouvons-nous tirer du suivi de la marge sur coût alimentaire de plus de 1 700 éleveurs sur Consélio ?
L’analyse des données de marge sur coût alimentaire des élevages suivis par Terrena montre que les éleveurs qui produisent le plus de matière utile sont ceux qui ont les meilleures marges sur coût alimentaire. A savoir 12,27 € en moyenne sur les 6 derniers mois pour les élevages à plus de 40 kg de lait contre 7,02 € pour les élevages produisant entre 20 et 25 Kg de lait.
Pour rappel, la marge sur coût alimentaire reflète la valeur ajoutée apportée par chaque vache. La MSCA correspond à la différence entre le produit lait et les charges alimentaires.Le produit lait est lié au volume de lait produit par vache et de la qualité : TB, TP et cellules. Le volume de lait livré dépend du nombre de vache dans l'atelier.
Dans un contexte laitier où la volatilité du prix du lait et des matières premières est de plus en plus importante, les leviers actionnables par l'éleveur pour maintenir l'EBE de son exploitation sont :
- le volume produit par vache,- les taux,
- le nombre de vaches dans l'atelier,- et l'absence de pénalités liées aux cellules.