INTERVIEW - Hausse des coûts de production. OUI, vous pouvez encore consolider votre marge sur coût alimentaire !



Interview de Francis Fardouet, 
expert économique nutrition ruminants






Faut-il réduire les concentrés quitte à moins produire de lait ?

FF : La réponse est à adapter à chaque système d’exploitation. Pour beaucoup, les charges de structures représentent la moitié des coûts de production et sont difficilement compressibles. Il ne faut pas oublier que c’est le volume de lait produit sur l’exploitation qui dilue les charges de structure.

Chercher à diminuer les concentrés conduit à baisser le niveau de production. Dans cette optique-là, la vraie question à se poser c’est de savoir comment compenser cette baisse du lait produit par vache pour maintenir le volume de lait produit sur l’exploitation : Ai-je des vaches en réserve ? Ai-je du temps ou de la main d’œuvre ? Ai-je de la place disponible dans le bâtiment ?

Faites également peser dans la balance qu’augmenter le nombre de vaches, c’est augmenter le besoin en fourrage au détriment des cultures de vente fortement rémunératrices.


Comment être sûr de faire le bon choix ?

FF : Prenez le temps de raisonner avec les chiffres de votre exploitation pour adopter la meilleure stratégie. N’hésitez pas à faire un plan de trésorerie sur un an avec différentes hypothèses en y intégrant aussi la marge dégagée par l’atelier céréales.

Ne vous fiez pas au critère aux « 1000 litres » qui n’a de sens qu’à production laitière et fourragère égale. Aujourd’hui, le volume de lait n’est quasiment plus un facteur limitant. Les prévisions tablent sur moins 15% du volume de lait produit en France dans les 3 prochaines années. La crise actuelle risque d’accélérer le phénomène et le prix du lait est favorable.

La MSCA représente la valeur ajoutée apportée par chaque vache, une fois déduit ce qu’elle a mangé. Cet indicateur est plus pertinent car il vous permet de savoir combien d’argent votre ration vous fait gagner.

Vous pouvez ainsi comparer les différents scénarios dans votre élevage : Quel est l’impact d’un changement de ration ? Faut-il récupérer du volume ? Dois-je produire du volume B ?


Faut-il chercher plus de matière utile par vache ?

FF : Oui car la matière utile produite par vache est très corrélée à la Marge Sur Coût Alimentaire (MSCA). (La matière utile prend en compte le volume, le taux butyreux et le taux protéique). Il faut chercher des vaches avec une bonne efficacité alimentaire.

Une vache « efficace » c’est une vache capable de valoriser au mieux sa ration et de transformer le plus d’aliments ingérés en lait. Plutôt que de vouloir réduire la charge alimentaire, il faut surtout s’assurer que l’argent dépensé est correctement valorisé par le lait produit.

En période de volatilité des prix, il ne faut pas prendre le risque de changer le système que l’on maitrise mais chercher à l’améliorer sur un plan technique pour faire progresser sa propre MSCA (Marge Sur Coût Alimentaire).


Est-ce le même raisonnement en système pâturant ?

FF : J’ai l’habitude de dire que la vache fait le lait pour lequel elle est nourrie et même en système pâturant la vache peut exprimer un haut niveau de matière utile.

Une complémentation adaptée permet d’améliorer sa marge sur coût alimentaire. Les derniers kilos de lait ne sont pas les plus chers à produire, il faut regarder la marge générée.


Quels conseils pour améliorer ma marge sur coût alimentaire ?

FF : Il faut consolider son niveau technique. Les vaches sont plus efficaces sur les 200 premiers jours de lactation. Toute détérioration des performances de reproduction pénalisera l’efficacité alimentaire du troupeau. Tarissez les vaches improductives !

Soyez également rigoureux sur la qualité de vos fourrages. En plus d’une bonne digestibilité de la fibre, Il faut rechercher le maximum d’amidon sur le maïs et de protéines dans l’herbe. En prenant l’exemple d’un troupeau de 100 vaches à 28 kg de lait, l’impact d’un maïs à 24% d’amidon par rapport à un maïs à 32% d’amidon peut se chiffrer à plus de 20 000 euros par an.




Le niveau de lait recherché impacte fortement les fluctuations de trésorerie


=> Les hausses actuelles se traduisent par des écarts de coût de ration de 0,5 €/vache/jour à 22 kg de lait et 1,75 €/vache/jour à 40 kg. Le système herbe montre sa moins forte sensibilité aux fluctuations d’intrants.

=> Par contre l’écart de MSCA reste important entre les systèmes. A 22 kg, la MSCA est en moyenne de 6.2 €/vache/jour et est en moyenne de 8,50 €/vache/jour à 40 kg (prix du lait de base à 390 €). Pour 100 vaches laitières cela représente 83 000 €uros d’écart de MSCA /an;

Ne changez pas un système que vous maitrisez mais cherchez à l’améliorer sur un plan technique pour faire progresser sa propre MSCA.