Baisse du prix du lait : comment ne pas basculer dans un cercle vicieux ?


Décryptage avec Julien Gaultier, Responsable Technique Nutrition Ruminants Terrena





Les éleveurs laitiers sont frappés par une baisse du prix du lait -50€ à -70€ / 1000L. 

De manière instinctive, voire culturelle, les éleveurs ont tendance à réduire leurs coûts pour échapper à la pression économique. Les frais liés aux visites vétérinaires, à la consommation de carburants et aux intrants artificiels sont compressés. Cependant, cette approche est seulement une solution de courte durée et sera préjudiciable à la santé des animaux, aux performances du troupeau et à la viabilité de l’entreprise.  



Le poste aliment est souvent le plus touché

Les aliments achetés sont souvent les plus « touchés » par les restrictions financières. Ainsi, les complémentations individuelles et les accompagnements énergétiques se retrouvent souvent réduits voir supprimés. 


En diminuant les charges opérationnelles, la réduction d’achats d’aliments peut momentanément aider à atténuer la pression financière, mais le bénéfice est de courte durée.  

Julien Gaultier, Responsable Technique Nutrition Ruminants chez Terrena, conseille aux éleveurs d’adopter une approche prudente : « Dans un premier temps, la réduction d’aliments en quantité ou en qualité aura peu d’impacts sur le volume de lait produit car les démarrages en lactation sont déjà lancés et assurent le volume de lait de masse du troupeau. Après quelques mois, ces vaches vont avancer dans leurs courbes de lactation, ralentir en production et ne compenseront plus les moins bons démarrages du reste du troupeau. » 



Un impact sur la trésorerie à moyen et long terme

Alors que le lait livré diminue, l’impact sur la trésorerie va se faire ressentir. L’éleveur voyant sa trésorerie diminuer va alors être tenté de comprimer davantage ses charges opérationnelles pour redonner du souffle à sa trésorerie sans voir qu’il rentre dans un cercle vicieux.  Or pour beaucoup, les charges de structures représentent la moitié des coûts de production et sont difficilement compressibles. 



Réduire l’aliment impacte la santé du troupeau

Julien Gaultier explique: « La santé des vaches est avant tout liée à l’alimentation du troupeau. Si les apports journaliers sont insuffisants par rapport aux besoins nutritionnels, les animaux vont puiser dans leurs réserves. Diminuer les complémentations, c’est prendre le risque de déséquilibrer les rations des animaux et d’entrainer des troubles de santé : boiteries, acétonémies, mammites… » 



Réduire l’aliment dégrade la reproduction du troupeau 

Un déficit énergétique prononcé lors du démarrage en lactation, altère l’activité des ovaires et la production des hormones impliquées dans la reproduction, œstradiol et progestérone.  


Constat : Les chaleurs sont moins bien exprimées, les vaches produisent des ovocytes de moindre qualité et le stade de lactation s’écarte de l’objectif 150 jours. C’est difficile de corriger le tir ensuite.  


Au-delà des paramètres de reproduction, c’est l’efficacité alimentaire du troupeau qui est en jeu. Les kilos de matière sèche ingérée ne génèreront plus autant de lait.  


« 11 jours de stade en plus c’est 1 kg de lait de perdu par vache et par jour » expliquait Franck Gaudin lors des Réunions Techniques Terrena.  



Un délai important avant que les vaches ne retrouvent de meilleurs rendements laitiers


La situation va alors devenir très dangereuse lorsque la conjoncture va repartir et que le prix du lait va se redresser. 


La dégradation de la fertilité, du stade de lactation et de la capacité de la flore microbienne à produire de la matière utile affectent le potentiel de production de la vache à long terme. « Même quand on rétablit le programme alimentaire initiale, la vache n’est plus en capacité de retrouver immédiatement son niveau de production » ajoute Julien Gaultier.  


Cela signifie que les éleveurs ayant adoptés une stratégie de réduction du coût alimentaire auront alors un décalage important avant que leurs vaches récupèrent de meilleures productions. « C’est priver les exploitations de tirer parti de la prochaine embellie du prix du lait ». 



Un décalage entre le prix de lait et le niveau de production


A chaque cycle de hausse et de baisse des prix du lait, le décalage entre les dépenses d’alimentation et l’obtention d’une augmentation de production laitière devient de plus en plus important. Après plusieurs cycles, le décalage pourrait devenir si important que certains producteurs finiraient par produire plus de lait lorsque le prix est bas, et moins lorsque les prix sont élevés.  



Comment consolider sa marge sur coût alimentaire à long terme ?

Il faut prendre le temps de raisonner avec les chiffres de son exploitation pour adopter la meilleure stratégie et ensuite garder le cap pour gérer les périodes de baisse des prix.   


Pour cela il faut gérer un troupeau vêlant toute l'année. Nous avons besoin d'un tiers de ces vaches au cours des 100 premiers jours de lactation. « Ce sont ces vaches qui seront capables de réagir rapidement aux augmentations des dépenses alimentaires en produisant plus de matière utile et donc davantage de marge sur coût alimentaire quand le prix du lait sera à nouveau à la hausse. » rappelle Julien Gaultier.  


Être vigilant aux vaches en préparation vêlage est une priorité. Quand la vache démarre mal, c’est impossible de revenir en arrière. Franck Gaudin le répète souvent « Perdre 1 Litre de Lait au pic, c’est perdre 240 litres sur la lactation ».  


« Pour consolider sa marge sur coût alimentaire, réformer les vaches improductives est une priorité » conclut Julien Gaultier.   




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